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le vampire.

personne m’habilla étrangement ; on poudra mes cheveux, on couvrit mes épaules de colliers, mes bras de bracelets. Je me regardai dans une glace, et je fus tout effrayée de me voir vêtue de la sorte. Puis, un souvenir, mouilla mes yeux de larmes. Ce style de costume me rappelait les vieux portraits des galeries du château de mon père. — Au souper, se trouvèrent deux femmes habillées comme moi. Elles étaient fort gaies, et cherchaient à désassombrir mon front. Je m’aperçus même que le vin m’étourdissait ; je cessai de boire. — Enfin, minuit ayant sonné, on me fit entrer dans une voiture avec mes deux compagnes. Après un quart d’heure de trajet, nous descendîmes devant un grand édifice tout illuminé. Une foule, composée d’hommes et de femmes costumés et masqués, nous entraîna à l’intérieur. C’était le bal de l’Opéra. Comprenez-vous mon saisissement !… Moi, pauvre fille, enlevée de l’existence austère du manoir de Firstland, tombant tout à coup dans le bruit, le vertige, la folie du bal de l’Opéra. Je fus étourdie, et si je n’avais posé mes mains sur mes yeux, je perdais la tête. Mais, je voulus fuir. M’étant engagée dans un large et haut escalier, je cherchais un refuge. J’aperçus une loge inoccupée. Je m’y précipitai, et là, bien seule, au milieu des cris de l’ivresse et de la grosse joie, dans le vacarme de l’orchestre monstre qui faisait bondir cette foule, je pleurai. — Sur la fin de la nuit, Antarés entra dans la loge, et, de mauvaise humeur, me ramena.

Permettez moi de ne pas suivre dans tous ses détails, l’œuvre que cet homme cherchait à accomplir. Ce sont des infamies dont les approches n’ont pu me ternir, dont la répulsion décida ma mort, et dans lesquelles