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le vampire.

gile humain ; ah ! j’étais bien jeune ! Mylord, prenez garde, vous le sucrez trop ; c’est une erreur ; moi, je prends le café tout à fait amer. — Une de mes maîtresses habitait Douvres.

— Vous avez donc plusieurs maîtresses ?

— Trois. Trinité nécessaire à mon existence. Ainsi, je conduis de front un amour candide de jeune fille, une passion de jeune femme, et un caprice grotesque de femme laide. Cela compose un tout dont mon tempérament accepte très bien le régime. Je suis comme ces gens qui déjeunent de laitage, dînent de grosses pièces, et s’amusent au souper de choses drôles. Les hommes réputés excentriques sont toujours très systématiques. — Une de mes maîtresses habitait donc Douvres.

— Était-ce un de vos amours burlesques ?

— Peut-être. D’ailleurs, c’était une anglaise… une anglaise très drôle… Je l’aimais beaucoup — après dîner. Un soir, j’étais venu de Londres passer la soirée avec elle. Nous buvions le thé, lorsque tout à coup nous nous prîmes de discussion l’un et l’autre. Je m’emportai, et cela à un tel point, que, sans même finir ma tasse, je saisis mon chapeau et quittai la demeure de miss Arabella. J’étais furieux, et, à tout prix, je voulais partir aussitôt de Douvres. Je parcourais la ville comme un fou. Mais il était tard, aussi pas un convoi, pas une voiture ne se mettait en route. Je courus vers le port, dans l’intention de me jeter à la mer et de me noyer, si je n’avais pas la force d’atteindre les côtes de France à la nage. En longeant le quai de la jetée, j’entendis le bruit d’une chaudière qui chauffait. Je m’arrêtai. C’était un bateau qui allait partir. Je sautai à bord. Le lendemain