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le vampire.

quiet. Mais, j’ai le bonheur de ne pas être ainsi fait. Même, au contraire, si j’étais égoïste je me congratulerais d’un sujet de préoccupations intérieures qui écarterait le soupçon contre moi. Ensuite, croyez-vous que je sois d’une exigence excessive ?… Point. Les sentiments heureux me ramènent enfant. Ma rêverie se contente de la plus frêle faveur. Une fleur, un sourire, sont des fêtes dans mon cœur. Vous voyez que d’être poète cela sert à quelque chose.

— Vos joies en effet sont bien faiblement ambitieuses. Pareil à ces pauvres diables qui se complaisent aux alentours de la Monnaie au bruit des écus que les machines vomissent, ou encore aux savoyards qui se délectent aux fumées des cuisines du Palais-Royal, les simples préludes de l’amour vous satisfont.

— Vous êtes désespérant vicomte.

— Je ne suis pas amoureux, voilà tout. Quand je vois un homme ivre, je ne le plains pas. Sa joie est fausse, mais n’en est pas moins une joie.

— Oh ! oui, c’est une ivresse qui me transporte, ivresse splendide, sans lassitude, sans abrutissement, ivresse raisonnée, et d’autant plus sentie que je sais que ce n’est qu’une ivresse ! Hélas ! notre vie en est là !… Orage et tempête, puis quelques éclairs qui parfois entr’ouvent le ciel !… Oui, j’aime cette femme, peu m’importe qui elle est, peu m’importe son passé, je l’aime de toute mon âme !… À elle toutes mes pensées du jour, tous mes rêves de la nuit !… Le souvenir de sa beauté alimente plus ma passion que sa possession n’alimenterait un amour ordinaire. Un jour, vicomte, un jour…

— Oui, je devine, vous fûtes heureux.