Page:Sorr - Le vampire, 1852.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
70
le vampire.

primer l’amour, je ne puis que le sentir… je suis amoureux et non poète !… Oh ! par pitié, ne partez pas, ne retirez pas votre main de la mienne ; restez dans cette brise heureuse qui m’apporte tous les enivrements de votre tête !…

— Monsieur, taisez-vous.

— Oui, c’est vrai, je suis un fou, un étourdi… Je parle haut comme un adolescent échappé des bras de sa mère… parlons bas.

— Comment, parlons bas !… s’exclama la jeune femme à ce mot imprudent. M. de Lormont est à deux pas de nous et vous osez vous exprimer de la sorte !…

— Oh ! je vous en prie, jamais, non jamais, ne prononcez ce nom !… c’est un mot qui m’obsède, une image que ma main effrayée repousse de mes rêves les plus noirs !… Non, cet homme ne pourrait m’en vouloir, car cet homme ne peut vous aimer.

— L’affection durable et dévouée n’est pas une fièvre, monsieur.

— Une fièvre !… Écoutez, madame, je vous vis une première fois aux Pyrénées, à Cauterets, et cette vue fut pour moi toute une révélation. Je vous suivis à Paris. Fidèle, je me plaçai partout sur votre route ; ma pensée s’attacha à la vôtre par une affinité intime et forte comme l’éclair s’attache à l’aimant. Vous viviez dans la retraite, dans la religion ; je vous attendais à l’église. Vous avez quitté Paris, me voici près de vous. Dites, croyez-vous que je vous aime ou non ?…

— Robert, je vous en supplie…

— C’est moi qui vous implore, et vous me demandez pitié !… Non, la vie nouvelle qui me transporte est si