Page:Soubies - La Comédie-Française depuis l’époque romantique, 1895.djvu/104

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Bien différente esl la figure, timide, tendre et cliaste, tracée par Vigny dans son Chatterton. Là se révèle la nature fine, aristocratique, pudique en quelque sorte. d(^ ce porte qu’un certain nomlire de fervents entourent d’une vi-ritahle pié-lé. Son Chatterton est un personnage presque purement imaginaire, et ne ressemble guère au Chatterton authentique, mais qu’importe ? En ce genre, a-t-on dit, du moment qu’un certain effet voulu est produit, tout est admissible et excusable, même r « à-peu-près ». même le c( contresens ». Dans la pièce de Vigny, nous sommes heurtés, cà et là, par une certaine solennité emphatique, par une exécution parfois naïve jusqu’à la gaucherie. Mais ces inconvénients sont, dans une certaine mesure, compensés par un charme subtil, profond ; le « jour mystique » qui. d’après Sainte-Beuve, tombe, on ne sait d’où, sur les personnages de Cinq-Mars, est aussi celui qui baigne les figures de Chatterton. C’est une heureuse cx’éation que cette délicieuse Kitty Bell, à laquelle, au début, Mme  Dorval prêta tant de grâce et de coloris, et que, quarante-deux ans plus tard, Mme  Broisat sut faire revivre avec un talent consommé. A l’origine, le succès fut retentissant, mais moins prolongé et moins fructueux qu’on ne le croit d’ordinaire. Le chiffre de quarante-deux représentations ne fut pas excédé. A la dernière reprise, Chatterton ne se maintint que pendant onze soirées. L’esprit public s"(tait renouvelé depuis les join-s où l’œuvre avait été conçue. Les aoûts s’i^taient modifiés : le charme était roraini.