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Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/26

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le repoussa du geste, et le Diable lui dit d’un ton fort naturel :

— Ah ! vous êtes bégueule, mon cher ; tant pis.

Puis il se mit à fumer, sans cracher, le corps penché en arrière et en sifflotant de temps en temps un air de contredanse, qu’il accompagnait d’un petit mouvement de tête tout-à-fait impertinent…

Luizzi demeurait toujours immobile devant ce Diable étrange. Enfin il rompit le silence ; et, s’armant de cette voix vibrante et saccadée qui constitue la mélopée du drame moderne, il dit :

— Fils de l’enfer, je t’ai appelé…

— D’abord, mon cher, dit le Diable en l’interrompant, je ne sais pas pourquoi vous me tutoyez : c’est de fort mauvais goût. C’est une habitude qu’ont prise entre eux ce que vous appelez les artistes ; faux semblant d’amitié qui ne les empêche pas de s’envier, de se haïr et de se mépriser ; c’est une forme de langage que vos romanciers et vos dramaturges ont affectée à l’expression des passions poussées à leur plus