Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/262

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altéré qui tend sa coupe, la remplit des larmes heureuses de notre âme et s’en abreuve.

« Et cela fut ainsi pour moi le matin de cette nuit si doucement agitée. Je me levai avant tous, j’ouvris ma fenêtre, et la première personne que je vis, ce fut Léon arrêté et les yeux levés sur ma chambre. Si alors il ne sentit pas que je devais l’aimer un jour, si alors, comme le voyageur altéré, il ne tendit pas son âme pour recueillir en lui ce flot d’émotions qui s’échappait de moi, c’est qu’il était timide et bon ; car il y eut un moment, le moment d’un éclair, où toute ma joie dut éclater et sourire sur mon visage. Puis, avec la même rapidité, il me sembla que tous ces traits épars de mes rêves, que toutes ces formes indécises de fantômes légers qui m’avaient poursuivie, s’éclairaient, s’assemblaient soudainement, se dessinaient avec netteté, et je reconnus que c’était Léon qui avait erré dans la nuit que je venais de passer. Alors j’eus peur, alors je me retirai de ma fenêtre, je reculai vivement, et je tombai assise sur le bord de mon lit, la main sur mon cœur qui battait comme si j’avais longtemps