Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/32

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Armand eut peur, et, pour ne pas le laisser voir, il se mit en colère : c’est un moyen aussi connu que celui de chanter.

— Enfin, réponds, n’as-tu pas un nom ?

— J’en ai tant qu’il vous plaira. J’ai servi sous toute espèce de noms. Un gentilhomme émigré, m’ayant pris à son service en 1814, m’appela Brutus pour humilier la république en ma personne. De là j’entrai chez un académicien qui changea le nom de Pierre que j’avais en celui de La Pierre, comme étant plus littéraire. Je fus chassé pour m’être endormi dans l’antichambre, tandis que monsieur faisait une lecture dans son salon. L’agent de change qui me prit voulut me donner à toute force le nom de Jules, parce que l’amant de sa femme se nommait Jules, et que le mari trouvait un plaisir infini à dire devant sa femme : Cet animal de Jules ! ce butor de Jules ! ce drôle de Jules, etc. Je m’en allai de moi-même, fatigué que j’étais de recevoir des injures en fidéi-commis. J’entrai chez une danseuse qui entretenait un pair de France.