Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1838, tome I.djvu/320

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« Ce fut Léon qui me parla. Il semblait avoir oublié notre malheur, lui, car il me dit :

« — Oh ! que voilà longtemps, Henriette, que je mourais du besoin de te parler ! Depuis six mois que je t’aime, depuis six mois que ton regard me brûle et me ravit, ne pas t’avoir rencontrée une fois, ne pas t’avoir dit mes tortures, c’était un bien horrible malheur !

« Ces paroles, l’accent dont elles furent prononcées, me troublèrent et me firent peur. Je n’étais pas venue pour qu’il me dît qu’il m’aimait : je le savais si bien ! je l’aimais tant ! Pour la première fois qu’il me dit librement ses pensées, nos cœurs ne se trouvèrent point d’accord. M’aimait-il donc moins que je ne l’aimais, puisqu’il avait besoin de me le dire ? Je ne fis point ces réflexions.

« — Léon, c’est ce qui nous arrive qui est un malheur.

« — Non, me dit-il en baissant la voix ; non, si tu m’aimes comme je t’aime. Je pars, car il le faut ; mais je reviendrai bientôt. La fortune de mon père est immense ; sa tendresse pour