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accent, triste et heureux. Demain je vous dirai l’histoire de ma vie : un seul mot suffirait cependant à vous l’expliquer, mais ce mot je n’ai pas le droit de le prononcer encore. À demain !

Luizzi ne la retint pas, il se contenta de répondre avec empressement :

— À demain ! Dans quel endroit ?

— Pas ici, répondit Laura ; mais je vous le ferai dire, car maintenant je ne peux plus rentrer chez vous que baronne de Luizzi.

Armand eut la bonne grâce de ne pas éclater de rire à ce dernier mot, et se contint jusqu’à ce qu’il eût reconduit Laura ; mais, en rentrant dans sa chambre, il ne put s’empêcher de parler tout seul :

— Voici qui est par trop fort, se dit-il, et ma ruse a obtenu un trop beau succès. Madame de Farkley baronne de Luizzi ! Il faut que je sois un bien grand comédien, ou que cette femme me prenne pour un grand imbécile !

Luizzi en était là de son monologue, lorsqu’il vit le Diable assis dans le fauteuil d’où il avait disparu le matin même, et achevant tranquillement son cigare commencé.

— Ah ! te voilà ! lui dit le baron en riant ; pourquoi t’es-tu donc enfui ce matin comme si tu t’étais emporté toi-même ?

— Crois-tu que je ne sois pas assez ennuyé d’être obligé de perdre mon temps avec toi, pour consentir encore à être en tiers dans une conversation avec un M. de Mareuilles ?

— Au fait, tu as raison, dit Luizzi, j’oubliais que c’était lui qui t’avait mis en fuite. Et que viens-tu faire ici ?

— Te dire l’histoire de madame de Fantan, que tu m’as demandée.

— Oh ! ma foi, dit Luizzi, je n’ai aucune envie de la savoir. Encore des aventures scandaleuses, sans doute ? Je m’aperçois que la vie des femmes ne se compose pas d’autre chose ; je t’avoue que je commence à en être rassasié.

— Baron, reprit le Diable, tu as fait de grandes sottises pour m’avoir forcé à parler quand je ne le voulais pas ; prends garde d’en faire une plus grande encore en refusant de m’entendre quand je veux bien être confiant ! Regarde, il est une heure : tu as encore une heure pour m’entendre, et une heure pour…

— Mons Satan, dit Luizzi en interrompant le Diable, j’ai envie de dormir. D’ailleurs, je n’ai plus besoin d’être désobligeant envers madame de Marignon ; je me soucie fort peu de ce qu’a pu être madame de Fantan ; je te prie en conséquence de me laisser en paix.