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des sanglots et des cris de rage, et je réparerai le mal par le mal ; car je vois enfin que le bien m’est défendu. Dis-moi ce que sont ces femmes qui ont si cruellement insulté la malheureuse que j’ai tuée.

— Je t’ai dit l’histoire de l’une d’elles.

— Mais l’autre, l’autre ?

— L’autre ? dit le Diable en se dandinant, celle dont je voulais te raconter l’histoire à une heure de la nuit lorsque Laura vivait encore, et que je croyais t’avoir intéressé à son sort ?

— Celle-là, s’écria le baron.

— Celle-là, repartit le Diable, dont l’histoire t’eût fait courir chez Laura pour lui demander grâce, te vouer à la défendre et la sauver peut-être de son désespoir, si tu avais voulu m’écouter ?

— Oui ! oui ! répondit le baron éperdu ; parle… parle…


XXIII

TROISIÈME FAUTEUIL.


Le Diable se posa comme s’il allait commencer un long récit, puis il répondit d’un ton dégagé :

— Madame de Fantan s’appelait, en 1815, Madame de Crancé.

— Sa mère ! sa mère ! Horreur ! dit Armand saisi d’un tremblement convulsif à l’idée de tant de perversité.

Le Diable se prit à rire, et Luizzi, brisé et anéanti, sentit sa tête s’égarer, son cœur faillir, et il tomba évanoui.


XXIV

LES BONS DOMESTIQUES.


Luizzi resta évanoui pendant trente-six jours. C’était beaucoup, sans manger. Aussi le premier sentiment qu’il éprouva, quand il revint à lui, fut un terrible appétit. Il voulut sonner, mais il ne put remuer ni bras ni jambes. « Allons, se dit-il, encore une chute ; il me semble cependant que je ne me suis pas jeté par la fenêtre comme la première fois ; ce ne doit