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sciences sur ce médicament.

— Alors, monsieur le baron, je vais mettre la dernière main à ce mémoire. J’aurai l’honneur de vous le lire. Je suis sûr de vous trouver chez vous, car vous ne sortez pas encore.

— Comment ! dit le baron, je ne puis pas sortir ? Cependant, si je prenais huit pilules ?

— Vous pouvez en prendre huit, mais je vous défends de sortir.

Aussitôt que le docteur fut sorti, le baron ouvrit sa fenêtre, jeta la boîte aux pilules et toutes les bouteilles de sirop par la fenêtre ; et cria d’une voix de stentor :

— Louis, mettez les chevaux.

Puis dans sa joie, il prit sa sonnette pour sonner son valet de chambre. Le Diable parut.

— Qui t’appelle ? dit le baron.

— C’est toi.

— En effet, reprit Luizzi, tu as raison : dans mon empressement, je me suis trompé de sonnette.

— Et bien ! dit le Diable, que penses-tu de ton médecin ?

— Je n’aurais pas cru, dit Luizzi, que la médecine fût une si sotte chose.

— Ton valet de chambre a raison, tu es tout à fait guéri, te voilà redevenu suffisant.

— En quoi ?

— Je t’ai demandé ce que tu pensais de ton médecin, et non pas de la médecine. Du reste, la sottise humaine est partout la même ; elle étend toujours aux choses les torts des individus, à la religion les fautes des prêtres, à la loi l’erreur des magistrats, à la science l’ignorance de ses adeptes.

— C’est possible, dit Luizzi avec impatience ; mais je n’ai nulle envie d’un sermon.

— Aimes-tu mieux une histoire ?

— Encore moins, pour le moment s’entend ; car tu sais ce que tu m’as promis, et, si par hasard je rencontrais une femme pure et noble, tu sais que tu dois me dire la vérité sur son compte.

— Je le ferai.

— Es-tu bien sûr de le pouvoir ?

— Enfant ! dit le Diable avec une rage jalouse et mélancolique, crois-tu que je ne connaisse pas les anges ? Oublies-tu que j’ai habité le ciel ?

— Ainsi, à ton compte, une femme noble et pure c’est le ciel ? Où la trouverai-je ?

— Cherche, reprit le Diable en ricanant ; cherche, mon maître, et n’oublie pas que tu n’as plus que deux ans.

— N’oublie pas non plus que j’ai ressaisi mon talisman.

— J’ai meilleure mémoire que toi, repartit Satan, car j’ai tenu ma parole, je t’ai rendu la santé.

— Toi ? ne m’as-tu pas refusé de te mêler de ma guérison ?

— Matériellement oui, mais moralement…

— Et comment cela ?

— Avec une mauvaise pensée. J’ai inspiré à madame Humbert le projet de te rendre ton délire en te donnant à manger, et je t’ai laissé le désir de désobéir à ton