Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome I.djvu/377

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— Que cherchez-vous donc ?

— Oh ! rien, un bout de papier.

— En voici un, dit Luizzi d’un ton indifférent ; mais il est écrit d’un côté.

— C’est bon, dit le clerc, je vais écrire au dos.

Pendant que le clerc griffonnait, l’avoué rentra suivi de M. de Lémée. Il avait l’air de chercher quelque chose. Il tourna et retourna tout dans la salle à manger. Puis, ayant aperçu Luizzi qui, retiré dans un coin, faisait semblant de lire un journal, il lui dit :

— N’auriez-vous pas aperçu par là un petit chiffon de papier ?

— Je crois que ces Messieurs le tiennent, répondit Luizzi.

— Comment ! c’est vous qui avez trouvé ce papier, Monsieur, s’écria l’avoué en s’adressant au clerc, et vous avez eu l’indiscrétion… ?

— Pas le moins du monde, dit le clerc d’un air indifférent, c’est Monsieur qui nous l’a remis, et je vous assure que je n’en ai pas lu une syllabe.

— En ce cas, vous allez me le rendre, je vous prie, reprit l’avoué.

Puis il se pencha, et dit tout bas à l’oreille de M. de Lémée :

— C’est notre projet d’acte.

— Quelle imprudence ! dit le pair.

— Eh bien ! reprit l’avoué presque aussitôt, avez-vous fini ?

— Un moment, dit le clerc, je ne savais pas que ce papier vous appartînt et j’ai écrit au crayon des choses que je vous prie de me donner le temps d’effacer.

Comme il allait commencer, Luizzi s’approcha des quatre interlocuteurs, et, leur faisant signe d’approcher, il dit au clerc de notaire.

— Pourquoi effacer, monsieur Marcoine ? Il est très-probable que ce qui est écrit à l’encre au recto est la même chose que ce qui est écrit au crayon au verso.

— Plaît-il ? firent les quatre épouseurs.

— Comment donc ! reprit Luizzi, un projet d’acte rédigé par un avoué et revu par un notaire ! c’est ce qu’il y a en général de mieux conditionné. Lisez, lisez ; je suis sûr que vous serez charmés de la science l’un de l’autre.

Le clerc qui tenait le papier le retourna par un mouvement de curiosité plus fort que lui. Il en lut les premières phrases écrites par l’avoué : « Entre les soussignés le comte de Lémée et M. Bador, etc., etc., il a été convenu qu’en cas de mariage de l’un d’eux avec madame ou mademoiselle Peyrol, etc., etc. »

— Continuez, reprit Luizzi.