Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome I.djvu/383

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de pantomime dont il nous serait difficile de donner une description exacte ; il contrefit avec une perfection merveilleuse l’arrivée de l’avoué en cabriolet, celle du commis et du clerc traînant après eux leurs paquets, et, après chacune de ces caricatures, il secouait la tête avec mépris. Ensuite il vint à Luizzi et le représenta largement assis au fond de sa berline, entrant au galop de ses quatre chevaux dans la cour du Taillis. Il continua ses démonstrations en se boursouflant et en se grandissant, et il finit par faire comprendre à Luizzi qu’il le prenait pour un grand seigneur, puis il dit d’un air superbe en désignant toujours le baron : roi ! roi ! Luizzi, qui voulait voir cette confidence jusqu’au bout, fit signe au Malais qu’il ne s’était pas trompé. Aussitôt le jockey se jeta aux genoux de Luizzi, comme pour implorer sa protection ; puis, se relevant, se grandissant encore et se plaçant à côté de Luizzi comme pour montrer qu’il était son égal, il sembla désigner du geste quelque chose de bien lointain, et répéta ce mot : roi ! roi ! Luizzi suivait cette pantomime avec un vif intérêt : il fit signe au Malais de continuer. Alors celui-ci parcourut la chambre, et, désignant du doigt les flambeaux dorés, montrant les boutons de chemise de Luizzi, puis un bouchon de carafe taillé à facettes comme un diamant, il lui dit, car son geste était si expressif que la parole n’eût pu rien y ajouter, qu’il avait possédé une immense quantité de tous ces objets. Jusque-là le baron avait parfaitement compris tout ce que le Malais avait voulu lui dire. Celui-ci continua. Il représenta un orage, en imitant avec la voix et le geste le sifflement des vents et les roulements de la foudre, puis un vaisseau qui flotte à l’aventure, un coup de vent qui le lance sur un récif, un homme qui nage avec désespoir parmi les vagues furieuses, et qui, arrivé au rivage, y tombe à bout de forces. Luizzi ne savait pas bien quel était l’homme que le Malais voulait ainsi désigner, lorsque celui-ci, montrant le pauvre naufragé qui se relevait avec effort, lui fit voir qu’il s’agissait de M. Rigot, par l’imitation exacte des gestes et de la tournure du vieux richard ; puis il le contrefit exténué de fatigue, se traînant avec désespoir sur le rivage, rencontré par des habitants qui voulaient le massacrer, délivré par un vieillard qui était venu à son secours et qui l’avait emmené dans sa demeure. À ce moment la pantomime d’Akabila cessa d’être aussi claire. Seulement Armand devina qu’il s’agissait d’un homme assassiné, de trésors enlevés :