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— Passez tout droit devant l’hôtel, vous me retrouverez à l’autre bout de la rue.

Elle continua son chemin, et Luizzi, qui s’arrêta un moment, la vit prendre une rue détournée. Il ne savait trop que penser de cette injonction ; mais, comme il y pouvait obéir sans renoncer à entrer plus tard dans l’hôtel, il se décida à la suivre. Seulement, en passant devant la porte cochère, il jeta à droite et à gauche un regard investigateur, et vit à quelques pas un homme enveloppé d’un manteau, qui semblait surveiller l’hôtel. Luizzi fut tenté d’aller droit à lui et de savoir quel était cet homme. Mais c’eût été un scandale, qu’il n’avait ni le droit légal ni le droit intime de faire ; d’ailleurs, il savait que dans toute querelle d’hommes où le nom d’une femme peut être prononcé, c’est elle qui est toujours la victime, l’un des deux adversaires y dût-il périr. Il poursuivit sa marche, et, à une assez grande distance de l’hôtel, à l’angle d’une petite rue, la servante parut, et dit à Armand :

— Vite, suivez-moi.

Elle marcha si rapidement que Luizzi eut peine à la suivre. Ils firent plusieurs détours et arrivèrent dans une ruelle déserte, bordée de murs de jardin. Tout en marchant, la chambrière ajouta :

— Entrez sans vous arrêter.

Et presque aussitôt elle s’élança dans une porte entr’ouverte, qu’elle referma avec une grande précaution dès que Luizzi se fut introduit.

À peine étaient-ils dans le jardin, qu’ils entendirent des pas rapides venir de l’autre extrémité de la ruelle ; la servante fit signe à Luizzi de garder le silence, et tous deux demeurèrent immobiles. On s’arrêta devant la petite porte, on écouta un moment, puis on s’éloigna ; mais à peine celui qui faisait tout ce manége avait-il fait quelques pas, qu’il revint. La servante, troublée, dit avec un geste d’impatience :

— Folle ! j’ai oublié le verrou !

Elle s’élança vers la porte et s’y appuya de toute sa force ; elle fit signe à Luizzi de l’aider, et celui-ci obéit machinalement. Il entendit bientôt une clef tourner dans la serrure, et sentit l’effort de quelqu’un qui poussait la porte. Elle avait légèrement cédé, et celui qui voulait entrer avait dû comprendre que ce n’était pas un inflexible verrou qui la retenait ; il la poussa donc encore plus vivement en appelant :

— Mariette ! Mariette !