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Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome II.djvu/278

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entre le citoyen Cauny et le citoyen Follard. Le lendemain, quand Valentine se présenta de nouveau à l’hôtel, au moment où le concierge chassé allait le quitter, Follard s’écria en montrant le poing à Valentine : « Ceux qui sortent le feront payer cher à ceux qui entrent. » Ce misérable faisait partie d’un club dont était président un ancien professeur de musique du comte, qui l’avait toujours bien traité et qui devait même à M. de Cauny la place qu’il avait. Cet homme, poussé par un sentiment de reconnaissance, vint le prévenir qu’il avait été dénoncé par son concierge comme donnant asile à des religieuses, et que, malgré tous ses efforts, le club avait décidé que M. de Cauny serait appelé dans son sein pour y rendre compte de son aristocratique pitié.

M. de Cauny, qui comprenait déjà jusqu’où pouvait aller une dénonciation de cette espèce, crut ne pouvoir mieux répondre qu’en annonçant au club que le citoyen Cauny n’avait pu commettre un crime contre la sûreté publique en recevant chez lui la citoyenne Cauny, sa femme. Il remplit donc les formalités du mariage, très-expéditives à cette époque, et épousa ma tante, mademoiselle d’Assimbret. La nécessité de son salut détermina Valentine plus peut-être que ne l’eût fait son amour. Les jours de misère qu’elle avait passés sans trouver personne à qui demander appui, avaient singulièrement frappé l’imagination de cette jeune fille, qui était presque encore une enfant ; elle parlait toujours du malheur de rester seule et abandonnée dans le monde. La terreur qu’elle a conservée toute sa vie d’un pareil isolement n’a pas peu contribué sans doute à lui faire accomplir un acte que j’ai toujours regardé comme un malheur, et que mon père appelle encore une bassesse.

— Une bassesse ! s’écria Luizzi en interrompant madame de Cerny.

— Laissez-moi achever ce récit, et vous comprendrez comment je puis avoir raison selon mes idées, et comment mon père peut parler ainsi selon les siennes.

Pendant plusieurs années, leur mariage ne donna que du bonheur à M. de Cauny et à ma tante ; mais bientôt il valut à tous les deux une persécution que certes ils étaient loin de prévoir. Le simple hasard d’une visite amena un jour l’ancien maître de musique, dont je vous ai parlé, chez M. de Cauny, et le mit en présence de sa femme. L’attention avec laquelle cet homme la considérait la poussa à lui demander pourquoi il l’examinait ainsi, et M. Bricoin lui répondit que…

— Bricoin ! s’écria Luizzi, interrompant encore madame de Cerny.

— Le connaissez-vous donc aussi ? dit la comtesse.

— Non, répondit Armand ; mais, si je ne me trompe, c’est le nom de