Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/174

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Me nourrit moins de lait que de pleurs et de sang.
Nul dieu d’Éléphanta, rocher qui me vit naître,
Pour son adorateur ne voulut me connaître ;
Et de ce dernier fils par la femme enfanté,
Le ciel comme la terre était épouvanté.

Or, des signes certains marquaient la fin prochaine
Du vieux globe, qui vit passer la grande chaîne
Des jours évanouis, des siècles révolus :
Chaîne qui d’un anneau ne s’allongerait plus.
Je croissais entouré de sinistres images.
Un Juif, sombre héritier des sciences des mages,
Et qui, se dérobant à tous regards humains,
Près d’un feu d’ossements chauffait ses pâles mains,
Me prit… Nous habitions cette pagode austère
Que des dieux inconnus bâtirent sous la terre,
Monument gigantesque aux rocs d’Éléphanta,
Et que Sémiramis une nuit visita.
Crypte qui porte un mont, tombe en temple érigée ;
Vieux modèle où l’Égypte a pris son hypogée ;
Gouffre où pour mieux rêver, nous nous engloutissions ;
Voûtes où l’on cloua des constellations.
Le regard effrayé voit monter dans les ombres
Soixante dieux de pierre, autour des grands décombres.
De cet Olympe mort, sans nom enseveli,
Quel Phidias indien avait sculpté l’oubli ?
On l’ignore… Parmi des débris de colonne,
Granits frères aînés des dieux de Babylone,
Ils se dressent muets ; les uns demi-brisés,
Collant leurs quatre mains sur leurs torses usés ;
Les autres occupant, sous leurs toges de juge,
Un tribunal rongé par les mers du déluge ;