Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/213

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Et vouer au néant, sans regarder mes pleurs,
Et le monde, et l’amour, et sa jeunesse en fleurs !…
Et moi je blasphémais, et moi sous l’anathème,
Je me sentais enfin redevenir moi-même !…
Et la terre entendait, de moments en moments,
Sous le poids de l’autel crier ses ossements.

Prodige plus affreux ! sous des voiles de brume
Le ciel, de feux sanglants à son zénith s’allume ;
Et l’Arar, tout à coup, fortement découpé,
Brille, comme un glaçon qu’un éclair a frappé :
C’était la lune… non telle qu’elle se penche
Vers ce monde endormi sous sa couronne blanche.
Météore insensé qu’emporte un tourbillon,
Labourant un ciel noir d’un rougeâtre sillon,
Trois volcans sur son disque entr’ouvraient leur cratère ;
Nés dans le sein de l’astre, ils dévoraient leur mère,
Lançant de toutes parts, en bouquet effrayant,
Les débris allumés du globe tournoyant.

Sous le manteau d’éclairs qui couvre ses épaules,
De la création ébranlant les deux pôles,
Épouvantant l’éther de ses bonds convulsifs,
La lune se débat dans les feux corrosifs.
Du bruit de sa ruine elle remplit l’espace :
Corps céleste, sans âme à l’heure qu’il trépasse,
Et qui voudrait encor, dans un combat géant,
Disputer ses rayons aux ombres du néant !
La mourante, longtemps déchirée, agrandie,
Flotte, comme une voile, aux bras de l’incendie :
Et pleurant ce trépas qui rend les cieux déserts,
Naufrage lumineux dans l’océan des airs !