Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/294

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O terre ! dont nos mains creusent la sépulture,
Que tes flancs étaient beaux sous ma riche ceinture !
Que sur toi balancés, mes réseaux odorants
Apportaient de fraîcheur à tes lacs transparents !
Mes bois de citronniers ignorés des tempêtes,
Inondaient de leurs fleurs tes éternelles fêtes ;
Et je perpétuais, de jardin en jardin,
Ta seule ressemblance avec l’antique Éden.
J’avais pour la beauté des panaches de moire,
Mes palmiers se penchaient vers le front ; de la gloire ;
Et jusque sous le joug des peuples du turban,
Les oracles hantaient mes cèdres du Liban.
Les liserons dorés, les mousses saxifrages,
Échappaient sous mon aile aux souffles des orages.
Le tremble au bord des eaux parlait avec ma voix ;
Je disais : — Je vous aime ! — à la rose des bois.
Mes lys de la pudeur tissaient les chastes voiles ;
J’avais autant de fleurs que les cieux ont d’étoiles,
Et leur douce famille, éparse dans les prés,
Désaltérait la nuit de leurs soupirs ambrés.
L’abeille bourdonnante au pied du mont Hymète,
Posait leur miel divin aux lèvres du poète ;
Et je voyais, épris de leur baiser vermeil,
Se mirer dans leur sein l’amour et le soleil ;
L’amour, dont le regard venait sur leurs corolles
Cueillir pour ses secrets sa moisson de symboles ;
L’amour, qui contemplait sous mes voiles flottants
Le sourire embaumé des herbes du printemps,
Et de ma pure haleine aspirait le délice ;
Ame que chaque fleur portait dans son calice.
Oh ! souvenirs flétris !… je n’irai plus demain
Tresser pour mes cheveux les bluets du chemin !