Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/436

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De cette heure en travail qui, domptant son génie,
Enfanta sous la main de la divinité
Et du bien et du mal la double éternité.
On vient lui disputer l’immuable héritage ;
Ses enfers souffrent moins, il souffre davantage !
Il appelle ses chefs, les range sous son œil,
Fait marcher devant eux la tour de son orgueil ;
Et lorsqu’au loin blanchit la nuit qui l’environne,
Sentant qu’à son beau front brûle encor sa couronne,
Il parle, il tonne, il lutte, il croit à son destin ;
Il domine du front cet orage incertain,
Et montant pour grandir sur des débris sans nombre,
Croyant que ces lueurs vont rentrer dans son ombre,
Semble élever encore, escorté par des rois,
L’éternelle révolte au niveau de la croix.

Mais déjà Lucifer, que la victime attire,
Jugeant à ses remords des progrès du martyre,
A gravi le rocher, mont de la passion,
Humide de clémence et de rédemption.
Foudroyé du Sina qui cherche le Calvaire,
Il ose le premier s’écrier en prière :
— Le sang coule ! — et soudain il ouvre à sa clarté
De ses ailes de feu le vol ressuscité.
Messager de pardon il va de cime en cime,
De cercueil en cercueil, jetant le cri sublime,
Jusqu’au plus sombre enfer, jusqu’aux murs du chaos,
De l’abîme qui gronde en armer les échos.
— Le sang coule ! — Ce cri traversant neuf royaumes,
Planant sur les cités qu’habitent les fantômes,
Passe, fuit, se prolonge et, triomphant appel,
Il balance à lui seul la voix d’Idaméel.