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Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/58

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ainsi : le sanctuaire divin s’ouvre à une plus grande hauteur, la terre disparaît devant l’immensité des cieux ; aucune fable humaine ne peut s’élever au niveau de Jéhova ; et, désespérant de franchir la distance qui sépare les deux mondes, le poète l’anéantit. Il se place, de plein vol, dans le merveilleux ; il ne regarde qu’avec l’œil de la foi ; il ne croit qu’aux réalités de l’inconnu, il ne chante que ce qu’il voit dans son âme. Cette phrase devenue si vulgaire : — Les vers sont la langue des dieux, — renferme, surtout pour nous, toute une poétique. Où manque l’image, manque la lumière ; où n’est pas le nombre, n’est pas la vie. Mais pour que la pensée du poète participe de la puissance du verbe divin, pour qu’elle puisse enfanter un monde, il faut qu’elle plane de bien loin sur la région du sensible. Toute grande représentation artistique doit avoir l’idéal pour point de départ ; toute création véritable doit prendre naissance dans l’infini.

Il faut, dira-t-on, que cet idéal s’enveloppe de formes individuelles ; il faut que la grandeur d’une œuvre ne nuise pas à son intérêt. Sans doute, mais une civilisation ne peut se transformer sans que tout se transforme avec elle. Autant la liberté diffère du destin et la Providence de la fatalité, autant la poésie moderne diffère de la poésie antique ; et les changements qu’elle a subis sont encore bien plus marqués dans les