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KÀLIDASA.

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��Cantiques. En ces siècles antiques, sous ces climats brûlants, l'Humanité se montrait sans voiles. Quoi qu'il en soit, cette peinture ne manque pas de grâce ; la grâce, bien plus que la justesse, est la qualité dominante de Kâlidàsa.

Cependant le roi des montagnes, Himalaya, sait que, par un ordre bizarre des destins, sa fille lima a été d'avance choisie pour redevenir, sous son nouveau nom et dans sa nouvelle existence, l'épouse de Siva, auquel elle fut jadis unie quand elle s'appelait Satî. Mais, depuis son veuvage, le sombre dieu vit dans la solitude et les austérités : comment l'amener à aimer, à accepter pour compagne la charmante nymphe? La est le nœud du poëme, et voici comment l'au- teur le dénoue. En ce temps-là, Yasoura ou mauvais génie Taraka cherchait à déposséder les dieux de l'empire du ciel ; ceux-ci vont demander protection à Brâhma. Leur dis- cours solennel, plein de pensées abstraites et d'antithèses, fait songer à divers morceaux des Védas, et aussi aux hymnes philosophiques de Cléanthe et du faux Orphée, de Synésius ou de Grégoire de Nazianze. Quelle gravité dans cette apostrophe, où un souffle de la Genève semble avoir passé !

« Honneur à toi, divinité à triple forme, qui, avant la création, n'avais qu'une nature unique et qui depuis t'es divisée en trois personnes pour mieux manifester tes trois qualités principales : la puissance, l'intelligence et la bonté. Principe incréé, ta semence s'est répandue sur les eaux, et tous les objets mobiles ou immo- biles en sont nés ; on te célèbre comme l'auteur de toutes choses. Révélant ta grandeur sous trois aspects, tu es la seule cause pos- sible de formation, de durée et de ruine. L'élément féminin et l'élément masculin sont les deux principes constitutifs de ta na- ture, et de là est venue la propagation successive de tous les êtres. Tu as partagé le temps en jour et en nuit ; ton sommeil ou ta veille amène l'extinction ou la renaissance des créatures. Toi qui n'as ni origine ni fin, tu es la fin et l'origine du monde : tu existais avant la création et nul n'existait avant toi ; tu ne connais pas de maître et tu es le maître universel. Tu te connais toi-même; tu te crées par toi-même; tu t'abîmes en toi-même! Tu es le père

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