Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mal, en 1850, sur la scène de l’Odéon par Méry et Gérard de Nerval, et dont M. Regnaud, ancien élève de l’école des hautes études de Paris, vient encore de publier chez nous une version nouvelle, en quatre petits volumes, avec des notes et des variantes, tirées d’un commentaire que lui a fourni la bibliothèque bodléyenne. S’il est exagéré d’avancer, ainsi que certains critiques l’ont fait, que cette pièce, dont le texte n’a pas deux cents pages, égalait en étendue la trilogie de YOrestie d’Eschyle ou celle du Wallenstein de Schiller et qu’il fallait plus d’un jour pour la représenter, il me semble du moins indubitable qu’après le drame de Sakuntalâ c’est une des pièces les plus intéressantes que les Indiens nous aient transmises.

Cet ouvrage, divisé en dix actes fort courts, est agréablement écrit : mêlant en doses à peu près égales le pathétique et le plaisant ; reposant, malgré quelques naïvetés, sur une intrigue heureusement ourdie; soumis assez strictement à la règle des unités, puisque l’action n’embrasse que quatre journées et est renfermée dans la ville et les faubourgs d’Oudjayanî, il multiplie pourtant les changements de décors et comprend près d’une trentaine de personnages. Il nous révèle des caractères nettement tracés, des sentiments naturels, des mœurs curieuses, un état social digne d’attention. Surtout il développe une situation des plus originales et des plus fortes : la passion ardente et partagée d’un brahmane marié, pauvre et honnête, pour une courtisane jeune, belle et immensément riche. Combien de fois ce type de la courtisane amoureuse n’a-t-il pas tenté les écrivains modernes ! Boccace et La Fontaine, Alfred de Musset et Balzac se sont appliqués à le peindre; la Marion de Lorme et la Tisbé de Victor Hugo, l’Aventurière d’Emile Augier, la Marguerite Gauthier d’Alexandre Dumas fils, plus d’une héroïne suspecte de Barrière, d’Octave Feuillet ou de Sardou nous en présentent des épreuves ou des contrefaçons plus ou moins habiles. Ici, ce rapprochement, doublement hardi, d’un prêtre