Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/53

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grandes pensées. L’essence de l’Être suprême survivra à tout, comme elle a tout précédé… Mais qui connaît exactement ces mystères ? qui peut les révéler ? d’où viennent ces êtres et cet univers ? Les dieux sont nés, parce qu’il a bien voulu, lui, les faire naître. Mais qui saura d’où il est sorti lui-même, d’où est émanée cette création immense ? Peut-elle ou non se soutenir par sa propre force ? Celui qui, du haut du ciel, a les yeux ouverts sur ce monde qu’il domine est seul capable de savoir ce qui existe réellement ou ce qui n’existe pas.


L’unité de Dieu est positivement affirmée et mise en relief dans plusieurs passages des Védas, qui en cela sont fort supérieurs aux spéculations de la doctrine des Brahmes, toujours plus ou moins entachées d’anthropomorphisme ou de panthéisme. Si Voltaire eût connu ces chants, il leur aurait réservé l’estime qu’il prodigua imprudemment à la compilation apocryphe de l’Ezour-Veidam. De nos jours, lorsque le savant rajah Rammohun-Roy, joignant à la pratique du sanscrit l’étude du grec et du latin, de l’hébreu et du persan, de l’arabe et de l’anglais, essaya, malgré bien des inimitiés, de substituer le monothéisme au polythéisme hindou, ses efforts impuissants, mais généreux, prirent comme base et comme but les saines traditions du Védisme, dont, pour leur bonheur et pour leur gloire, les peuples de l’Inde auraient dû ne jamais s’écarter. Néanmoins, quelque élevées que fussent parfois ces notions pour tout ce qui ne relevait que du sentiment, elles furent, elles devaient être en somme très-bornées et très-imparfaites pour tout ce qui était du domaine de la science ou du dogme. Ainsi les Aryens, pareils en cela aux premiers Hébreux et aux Grecs de l’âge homérique, se faisaient de la forme du monde l’idée la plus fausse et la plus bizarre : ils croyaient que la terre était appuyée solidement sur de hautes montagnes ou sur d’immenses colonnes ; le mythe hellénique d’Atlas supportant le globe terrestre et celui des colonnes d’Hercule n’étaient-ils pas des vestiges de ces antiques hypothèses ?