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Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/122

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HISTOIRE DU PARNASSE

Heredia lui rend bien ses compliments. Il écrit à Coppée le 17 février 1892, à l’heure des jugements définitifs, après la mort de leur ami : « Banville a été pour nous tous… un maître fraternel. J’ai toujours eu pour lui beaucoup d’admiration…, un vrai respect[1] ». Son éloge funèbre par Emmanuel des Essarts, pour venir de moins haut, n’en est pas moins documentaire sur l’opinion des Parnassiens moyens : « ce poète, l’un des plus doués qu’ait connus le xixe siècle, a bien mérité le monument où par le silence des nuits d’été les rossignols viennent chanter autour de la statue de leur frère immortel[2] ». Enfin, Sully Prudhomme dépose une couronne de vers sur sa tombe au nom des Parnassiens[3]. Ils lui devaient bien cela, car, dans ses Camées Parisiens, il a sculpté les profils de presque tous ses camarades. Il a une grande partie de leurs idées, leurs sympathies et leurs antipathies, par exemple leur horreur des professeurs, de l’École Normale[4]. Il accepte comme eux la théorie de l’impassibilité : « presque jamais, dit-il dans l’avantpropos des Roses de Noël, on ne se montre bon ouvrier lorsqu’on écrit sous l’impression d’un sentiment vrai au moment même où on l’éprouve[5] ». Comme eux, il n’aime que l’art pur, et, quoiqu’il soit un véritable séide de V. Hugo, il déclare qu’il reste le plus fervent adepte de l’école de l’art pour l’art, même après que son cher Maître l’a reniée et condamnée avec violence[6].

Enfin, un critique superficiel pourrait affirmer que Théodore de Banville a été le plus parnassien des poètes, puisque, d’une part, l’hellénisme est une des principales forces du Parnasse, et que, de l’autre, Sainte-Beuve a fort admiré l’hellénisme de Banvihe, ses copies, ses moulages, d’après l’antique : « j’ai parlé d’Art Grec : est-il rien qui le représente plus heureusement que ce conseil donné à un sculpteur :


Sculpteur, cherche avec soin, en attendant l’extase,
Un marbre sans défaut pour en faire un beau vase.
Cherche longtemps sa forme, et n’y retrace pas
D’amours mystérieux ni de divins combats…
Qu’autour du vase pur, trop beau pour la Bacchante,
La verveine se mêle à des feuilles d’acanthe ;


  1. Correspondant du 25 janvier 1924, p. 330.
  2. Revue Bleue du 22 août 1902, p. 233.
  3. Épaves, p. 159-160.
  4. Lettre de Coppée dans Le Correspondant du 25 avril 1912, p. 253.
  5. Les Cariatides, p. 405.
  6. Fuchs, Revue, 1923, p. 230-231 ; Banville, Critiques, p. 254-255.