Aller au contenu

Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
À CÔTÉ DU PARNASSE

Vénus les joyaux, les bijoux, et la ceinture traditionnelle. Vulcain du reste, est confiant dans l’avenir, et croit que la coquette ne l’épouse pas par simple reconnaissance : quelle est la philosophie mythologique de leur union ?


Donc le Travail qui montre une âpre cicatrice
Épouse avec amour la Force créatrice.


C’est piteux comme symbolique, et moins amusant qu’Orphée aux enfers[1]. Qu’est-ce que les Parnassiens pouvaient bien en penser ? Mallarmé, seul, a l’air de croire à l’authenticité de cet hellénisme[2]. Sully-Prudhomme, qui est l’indulgence même, s’arrête à moitié route de la vérité :


Ô vent sacré du Pinde, alanguis ton haleine…
Il ne bat plus, ce cœur où le sang d’un Gaulois
Avait rajeuni l’âme antique d’un Hellène[3].


Louis de Fourcaud complète le compliment, et en fait une vérité assez dure : « ne nous trompons pas à ses airs de flûte, à ses mythologies. Nous avons affaire à un Gaulois de bonne souche, versant dans une coupe néo-grecque le vin mousseux de son terroir. Des dieux ciselés gambadent pêle-mêle avec des pierrots aux flancs rebondis de la coupe[4] ». Quant à ses déesses, ne les cherchons pas à la Galerie des Antiques, mais dans les fresques mythologiques de Véronèse, dit Henry Houssaye, Dianes et Vénus aux formes provocantes, aux chairs nacrées, rehaussées de perles, d’émeraudes et de rubis[5]. La condamnation sévère qui convient pour de pareils travestis est prononcée par Anatole France qui fut rarement aussi bien inspiré : « les Vénus de M. de Banville sont vénitiennes. Elles ne savent pas un mot de mythologie. Ce sont de ces figures dont les peintres disent qu’elles plafonnent. L’Olympe du poète est un olympe de salles de fêtes. En habit de carnaval héroïque, les dames et les cavaliers vont par couples, et dansent avec grâce sous la coupole peinte, au son d’une molle musique. Et c’est là le monde poétique de M. Théodore de Banville[6] ». C’est bien là l’impression de

  1. Jules Tellier trouve que c’est « un chef-d’œuvre, et je crois, son chef-d’œuvre » ; Nos Poètes, p. 24. Tot Capita
  2. Divagations, p. 117.
  3. Épaves, p. 159.
  4. Rocheblave, Louis de Fourcaud, p. 347-348.
  5. Les Hommes et les Idées, p. 152.
  6. La Vie littéraire, IV, 230.