Aller au contenu

Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
À CÔTÉ DU PARNASSE

que de nous[1] ! » Tout de même, il n’y a pas de quoi s’en vanter ni s’excuser hypocritement,

Pour ennuyer les gens graves, graves, graves, comme disait son ami Charles Cros. Les gens graves n’aiment pas les clowns, surtout quand ceux-ci font des cabrioles autour de la vérité. La plus mince, et la plus déplaisante, de ces clowneries se trouve au commentaire des Odes Funambulesques : « une des superstitions que je chéris le plus, dit-il gravement, est celle qui me pousse à terminer un livre, quand je le puis, par le mot qui termine La Divine Comédie de Dante, par le divin mot écrit ainsi au pluriel : Étoiles[2] ». C’est vrai des Odes : le clown va rouler dans les étoiles ; c’est presque vrai pour les Améthystes qui se terminent par le mot astres ; mais les Odelettes finissent par éternité, les Roses de Noël par mère, le Sang de la Coupe par travailler, les Stalactites par étroites, les Cariatides par cou, les Occidentales par écrevisses. Encore une galéjade, une farce de clown ! M. Siciliano plaint Banville, parce qu’il l’aime ; il souhaiterait que ces Odes Funambulesques, sous lesquelles il est enseveli, lui fussent légères ; mais il craint bien que, par un jugement sans appel du public et de la critique, il ne reste à tout jamais le clown du vers[3]. Il y faut ajouter l’aveu ironique, mais formel, du coupable lui-même dans un feuilleton du 12 mai 1879 : « Le clown ! le poète ! Pour qui voit superficiellement, rien qui se ressemble moins ; pour qui sait voir, se dégager des apparences, c’est une seule et même personne… Les mêmes caractères, les mêmes mots, les mêmes définitions s’appliquent à l’un et à l’autre, car il y a un rythmeur dans tout acrobate, et il y a dans tout habile arrangeur de mots un acrobate… S’élancer avec agilité et avec certitude à travers l’espace, au-dessus du vide, d’un point à un autre, telle est la suprême science du clown, et j’imagine que c’est aussi la seule science du poète[4] ». Qu’en pense-t-on au Parnasse ?


Verlaine est indulgent :
Clown étonnant, en vérité,
Mais plus admirable poète,
Qui, malgré Pascal, est resté
L’ange, tout en faisant la bête[5].


  1. Odes funambulesques, commentaire, p. 196.
  2. Ibid., p. 225.
  3. Dal Romanticismo, p. 58.
  4. Critiques, p. 422.
  5. Œuvres complètes, III, p. 272.