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Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/151

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À CÔTÉ DU PARNASSE

Silvestre recrute pour l’École de Banville[1]. Il prône l’enseignement du maître, et surtout son manuel de versification : « Th. de Banville sentait si bien quelle légion de disciples se levait dans son ombre, que, pour eux, il daigna écrire un livre de leçons, cet admirable petit traité de poésie française, hors lequel, pour les poètes à venir, il ne sera pas de salut ». Ce livre ainsi prôné ne vaut pas encore l’enseignement oral du maître ! « Il nous a donné à tous un peu de son âme, et c’est de ce souffle que s’est animé tout ce que nous avons fait de bien[2] ». Cette admiration est mutuelle : Silvestre chante dans Le Soir la gloire des Idylles Prussiennes, et Banville célèbre dans Le National la poésie exquise des Rimes neuves et vieilles[3]. Il y a entre eux affinité élective, « et c’est pourquoi notre maître commun, vénéré et bien-aimé, dit Mendès (après la mort de Leconte de Lisle), Théodore de Banville me dit un jour que de tous ses disciples, celui qui était le plus proche du cœur de son esprit, c’était Armand Silvestre[4] ».

Comme son maître, Silvestre est un poète précoce : ses premiers vers sont commencés « derrière un pupitre d’écolier », et annoncés au Parnasse par Sully-Prudhomme : « il paraît, dit-il à Verlaine, qu’un élève de l’École Polytechnique vient de faire de très beaux vers[5] ». Très vite sa marque personnelle se révèle : il est cocardier et anticlérical[6] ; surtout il est sensuel, peintre sensuel, à un point extraordinaire, et qui choque Fromentin : après lui avoir promis, de confiance, une préface pour son premier recueil, Rimes neuves et vieilles, l’auteur de Dominique lit ces sonnets en manuscrit, et renonce à recommander le livre, « les pièces lui paraissant d’une sensualité excessive[7] ». G. Sand, qui a la manche large, et qui aime en Silvestre ce genre de talent, écrit la préface[8]. Mendès, qui a la manche plus large encore, cite avec éloge la théorie de G. Sand sur la passion chamelle et l’ascension spirituelle dans les poésies de Silvestre ; il conclut : « voilà qui est justement et admirablement dit. L’amour effréné pour la beauté physique, mêlé de rancœurs et d’angoisses, et d’élancements peut-être involontaires vers un

  1. L. Tailhade, Quelques fantômes, p. 151.
  2. Portraits, p. 78.
  3. Odes funambulesques, p. 337.
  4. Rapport, p. 132.
  5. Portraits, p. 112 ; Verlaine, V, 315.
  6. Portraits, p. 342 et suiv. ; 314, 316, 318 ; La Chanson des Heures, p. 7.
  7. Brisson, Le Temps du 23 octobre 1897.
  8. Mme Adam, Mes Sentiments, p. 416.