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Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/163

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À CÔTÉ DU PARNASSE

sollicité de prononcer quelques mots sur la tombe de Glatigny, s’y refusera[1].

Mais en 1869, la dédicace des Flèches d’Or n’est pas encore oubliée, et Glatigny apparaît cette année-là au Parnasse. On s’est étonné que son nom ne figure pas au premier tome, en 1866 : comment Mendès, qui chante sa gloire ne lui a-t-il rien demandé[2] ? Peut-être parce que, sauf pour Leconte de Lisle et Baudelaire, il faut payer sa quote-part pour entrer au premier Parnasse, et Glatigny n’a pas un sou en poche, tandis qu’au recueil de 1869 c’est Lemerre qui fait les frais. Du reste, les vers de Glatigny n’enrichissent pas le livre. Sur ses quatre pièces, trois ont été reproduites dans ses œuvres, avec peu de variantes : un poème à la gloire de son compatriote, Alexandre de Bernay, assez ordinaire, avec quelques vers de bonne facture ; un sonnet à Sully Prudhomme, qui vaut ses improvisations à l’Alcazar ; un autre sonnet à sa chienne Cosette, plus travaillé, un peu meilleur[3] ; enfin, la Ballade des enfants sans souci ; elle n’a pas été recueillie dans ses œuvres :


Ils vont pieds nus le plus souvent. L’hiver
Met à leurs doigts des mitaines d’onglée.
Le soir, hélas ! ils soupent de grand air,

Et sur leurs fronts la bise échevelée
Gronde, pareille au bruit d’une mêlée.
À peine un peu leur sort est adouci
Quand avril fait la terre consolée :
Ayez pitié des enfants sans souci.


Un seul bon vers. Et on l’a comparé à Villon ! M. Vandérem a bien raison de le trouver surfait[4]. Pourquoi donc lui consacré-je un chapitre plus long que celui d’A. Silvestre ? Ce n’est pas du tout parce que Glatigny lui serait supérieur ; mais il fallait bien rectifier l’erreur volontaire de Mendès le hissant au pinacle. Sainte-Beuve a été plus équitable dans son article sur la poésie en 1865 : s’il avait le temps de s’y arrêter, il mettrait dans le groupe de Coppée, de Mérat, de Dierx et de Theuriet, cet osé, ce téméraire, qui a su bien lancer quelques-unes de ses flèches d’or ; mais il ne s’y arrête pas ; ce qui n’empêche pas Glatigny de manifester à Sainte-Beuve une

  1. Troubat, La Salle à manget de Sainte-Beuve, p. 329.
  2. Schaffer, Modern Language notes, XLI, 168.
  3. Œuvres, p. 344, 343, 341.
  4. Revue de France, 15 mai 1928, p. 381.