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Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/182

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HISTOIRE DU PARNASSE

CHAPITRE II
Le salon de Mme de Ricard. Xavier de Ricard

Le salon de la Marquise de Ricard est un progrès sur la salle à manger de Nina : ce n’est plus une fraction de monde ; au début, c’est le vrai monde. Elle reçoit les amis de son fils. Louis-Xavier, vers 1863, a une vingtaine d’années, beaucoup d’illusions et de chimères ; il prend son élan vers la vie par toutes les routes : poète, critique, romancier, journaliste, dramaturge, historien, philosophe, et anti-clérical au point de choquer Verlaine, première manière[1] ; c’est surtout un politicien forcené : poursuivi comme directeur de la Revue du Progrès, défendu par Gambetta, il est condamné : à sa sortie du Palais, il est entouré et acclamé par quelques jeunes gens épris comme lui de politique et de littérature : il les emmène chez ses parents, boulevard des Batignolles. On a dit que c’était là le berceau du Parnasse[2].

Le général marquis de Ricard, né vers 1787, est un ancien aide de camp du roi Jérôme, un héros de Waterloo ; il s’est distingué dans les guerres d’Afrique. Maintenant il est paralysé ; on ne le voit jamais. Mme de Ricard, beaucoup plus jeune que son mari, est une charmante maîtresse de maison, heureuse d’entendre les amis de son fils dire des vers, ou s’amuser à la comédie de salon ; un jour même, avec Mendès, Coppée et Villiers de l’Isle-Adam, elle joue quelques scènes de Marion Delorme[3]. Ces jeunes gens sont un peu plus bruyants que des mondains, mais la Marquise ne déteste pas le bruit. Ses samedis sont très brillants. La liberté est absolue : « nous n’avions là, dit le fils de la maison, aucune autorité de Maître pour nous tenir en respect, comme chez Leconte de Lisle[4] ». On se conduit suffisamment bien pourtant, car il y a dans ce salon de vraies jeunes filles. Mlle Allard, belle de la beauté des Italiennes, ne se contente pas d’admirer les vers des Parnassiens :

  1. Calmettes, p. 278 ; Lepelletier, Verlaine, p. 131-132 ; Verlaine, V, 420.
  2. X. de Ricard, Revue des Revues, Ier février 1902, p. 310 ; Lepelletier, Verlaine p. 133.
  3. Calmettes, p. 279 ; F. Kolney, Les Nouvelles Littéraires, 2 juin 1928.
  4. Lepelletier, p. 133 ; Ricard, Le Petit Temps du 4 juillet 1899.