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Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/228

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HISTOIRE DU PARNASSE

vipères ; peintre, et fort original[1] ; poète, philosophe, penseur dont la pensée profonde, un peu obscure, a tenté déjà plus d’un critique[2] ; mythologue de l’école de Creuzer[3] ; helléniste avant tout, simple philologue à l’École Normale, puis s’élevant jusqu’à l’art grec et à la philosophie stoïcienne.

Il fait partie du mouvement qui, vers 1852, ramène les esprits à l’hellénisme[4]. Renan, qui vient de publier son Averroès, protège Ménard, et daigne écrire une préface pour son mémoire sur Hermès trismégiste ; il le pousse enfin à passer son doctorat[5]. Laissons de côté la thèse latine, De sacra poesi Grœcorum, écrite en bon latin, mais dont les idées se retrouvent dans l’introduction de la grande thèse, De la Morale avant les Philosophes. Celle-ci est fort intéressante, car on y trouve la résultante des différentes études de Ménard : c’est l’ancien chimiste qui écrit une page curieuse sur l’antinomie des lois complémentaires, cohésion et répulsion moléculaire, et qui explique par la chimie les obscurités’de la religion grecque[6]. Cette thèse, véritable manuel d’hellénisme, et qui a dû être un livre de chevet pour les meilleurs humanistes du Parnasse, est écrite avec l’esprit et le style d’un hellénisant ; Ménard, pour célébrer la beauté grecque, a des bonheurs d’expression qui semblent un reflet de l’Attique : « le siècle de Périclès fut dans la vie de la Grèce ce que la période grecque tout entière sera dans l’histoire du monde, cette heure fugitive et insaisissable de fraîcheur printanière et d’efflorescente puberté qui laisse, en nous quittant, de si longs regrets[7] ». Tantôt sa pensée se condense en formules saisissantes ; il met dans une ligne l’idée centrale de Fustel de Coulanges dans sa Cité Antique : « la vierge Hestia veille sur la pierre du foyer, élément fondamental de la cité grecque[8] ». Tantôt elle s’épanche en périodes harmonieuses pour nous faire comprendre l’union, chez les Grecs, de la philosophie, de la religion et de la poésie[9]. Pourtant sa pensée

  1. Calmettes, p. 21 ; Berthelot, Revue de Paris, juin 1901, p. 575-576, 584 ; Ménard, p. 19-21 ; Porché, La Vie douloureuse de Baudelaire, p. 71-72.
  2. Bédier et Hazard, II, 262 ; Calmettes, p. 140 ; Estève, Leconte de Lisle, p. 80 sqq.
  3. Bédier et Hazard, ibid. ; Estève, ibid., p. 77-79.
  4. Taine, pages inédites publiées par V. Giraud dans la Revue Bleue du 17 mars 1928 ; cf. sa rêverie païenne à Sainte-Odile, Essais, p. 399-401, et Barrès, R. D. D.-M. Ier novembre 1904, p. 44-45.
  5. Berthelot, Revue de Paris, Ier juin 1901, p. 584, 585, 583.
  6. De la Morale, p. 37,104.
  7. Ibid., p. 100.
  8. Ibid., p. 87.
  9. Ibid., p. 7-8.