ciers se sont mis en quête ; dernièrement on se demandait si l’épée d’Angantyr ne venait pas du Linguarum veterum septentrionalium Thésaurus, de Hickes[1]. Il est inutile de tant creuser : les Poèmes Barbares procèdent simplement du livre de Xavier Marmier, les Chants populaires du Nord ; M. Vianey le supposait[2] ; M. Tiercelin l’a démontré : Leconte de Lisle a suivi les cours de Marmier, de février à mai 1839 à la Faculté des Lettres de Rennes[3]. Du reste, il suffit de comparer les deux textes pour que l’imitation saute aux yeux. Quand Leconte de Lisle écrit ces vers :
Angantyr, Angantyr, c’est Hervor qui t’appelle.
Ô chef, qui labourais l’écume de la mer,
Donne-moi ton épée à la garde de fer,
La lame que tes bras serrent sur ta mamelle,
Le glaive qu’ont forgé les Nains, enfants d’Ymer,
il a dans la mémoire, ou sous les yeux, ces lignes de Marmier :
« Éveille-toi, Angantyr, c’est Hervor qui t’appelle. Du fond de
ta tombe, donne-moi ta forte épée, ta svafurlama forgée par les
nains[4] ». Seulement tout ce qui a été imaginé par Leconte de Lisle,
et les rapprochements, qui s’imposent, montrent surtout avec quel
art le poète a su ajouter, supprimer ; son imitation est une création :
dans la gangue de Marmier il a découvert et taillé le diamant.
Ainsi, pour Les Larmes de l’Ours, qu’est-ce que lui donnait la
légende finlandaise ? Wœinemœinen, le dieu de l’intelligence, avise
sur une grève un bouleau qui se plaint, parce qu’il n’a jamais abrité
d’amoureux. Le dieu l’arrache, et en fait une harpe que ni les
vieillards ni les jeunes gens ne peuvent faire résonner : « alors
Wœinemœinen prit sa harpe et en fit vibrer, l’une après l’autre,
toutes les cordes, et ses chants résonnèrent harmonieusement dans
l’air et ébranlèrent toute la nature. Les cascades en l’écoutant
s’arrêtèrent dans leur chute ; les arbres cessèrent de se courber
sous le souffle du vent ; l’ours se dressa sur ses pattes pour l’entendre.
Le dieu lui-même, attendri par ses chants, pleura. Ses
larmes coulèrent le long de sa barbe blanche, et traversèrent ses
trois manteaux et ses trois tuniques de laine ». J’ai transcrit le
passage, parce que tout le monde n’a pas un Marmier sous la main,