lui son plaidoyer en l’honneur de Chateaubriand : « il eut tous les talents, et il eut même tous ces talents divers à un degré qui se fait reconnaître de lui-même, qui réfute toutes les critiques, qui renverse toutes les jalousies, et qui fait dire à tout un siècle : Il est grand ! Cette exclamation d’un siècle est le sceau du génie… Soyez grand, et moquez-vous du reste, vous êtes immortel[1] ! » Comment ces jeunes pouvaient-ils repousser Lamartine, quand ils admettaient les deux Deschamps, et surtout Antoni, très bienveillant sans doute, et plein de souvenirs, mais, dit joliment Verlaine, un peu las d’avoir battu
Avec Dante
Un andante,
un peu éteint[2], ainsi qu’en témoigne son envoi : Études grecques,
latines, italiennes, surtout son imitation de Leopardi, dont la fin
est inintelligible : une jeune femme est arrêtée dans sa marche par
un orage terrible ; puis la tempête se calme :
Le front humide encor, reparut le soleil,
Et les oiseaux voyant sa féconde lumière,
Reprirent leurs chansons, mais elle… était de pierre !
C’est Antoni qui souligne, oublieux du bon conseil d’Horace : solve senescentem… Son frère Émile est aussi attristant, avec ses sonnets flasques, et sa Terza Rima sur ce thème :
Comme un poison subtil redoutons la pensée ;
s’il avait vingt fils, il leur passerait tout, l’orgie, le jeu, mais pas
la lecture :
Un livre ! Ils y pourraient trouver une parole
Qui, desséchant leur sang, épouvantât leurs nuits,
Bouleversât leurs nerfs, rendît leur raison folle…
Ils pourraient devenir, un jour, ce que je suis.
Étrange anathème chez un écrivain ! Et l’on pense au ricanement de Voltaire :
Deschamps se trompe, il n’est pas si coupable 1
Quelle réputation devait-il donc avoir encore dans le monde littéraire, pour que les Parnassiens aient sollicité son concours, et accepté ses senilia !