On trouve que Barbey d’Aurevilly n’est pas trop sévère, quand on lit les Poèmes Saturniens, ce recueil surfait. Il paraît en novembre 1866, tiré à petit nombre : 491 exemplaires[1]. C’est encore trop pour le public : l’édition ne se vend pas. Pourtant, Verlaine a puisé à des sources connues ; il suit les maîtres à la mode. On s’aperçoit qu’il a beaucoup lu Goethe, dans une traduction[2]. Il imite surtout les Fleurs du Mal[3]. Il emprunte même le titre de son recueil à un sonnet de Baudelaire, publié au Parnasse de 1866, sous ce titre, Épigraphe pour un livre condamné :
Lecteur paisible et bucolique,
Sobre et naïf homme de bien,
Jette ce livre saturnien,
Orgiaque et mélancolique[4].
Verlaine n’est pas inféodé au seul Baudelaire ; on voit qu’il a lu et entendu le Maître du Parnasse. Dans ses Confessions, il définit son premier recueil « du Leconte de Lisle à ma manière, agrémenté de Baudelaire à ma façon » ; dans ce mélange, Leconte de Lisle est l’élément principal[5]. Çavitri pourrait être signé par l’auteur des Poèmes Tragiques, surtout avec sa fin hautaine :
Ainsi que Çavitri faisons-nous impassibles,
Mais, comme elle, dans l’âme ayons un haut dessein !
L’écho du Parnasse retentit, plus sonore encore, dans l’Épilogue, véritable profession de foi parnassienne. Le Maître se déclare satisfait, et prononce que ces Poèmes sont « d’un vrai poète, d’un artiste déjà très habile, et bientôt maître de l’expression[6] ». Cette mansuétude de Leconte de Lisle nous surprend ; le talent de Verlaine est encore bien mince. On cite toujours, faute de mieux, le début de la Chanson d’Automne :
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne…
C’est curieux, mais c’est tout de même insuffisant pour faire la fortune d’une plaquette. À côté, il y a des choses bien fâcheuses ;
- ↑ Montel, ibid., p. 315-318.
- ↑ Lepelletier, Verlaine, p. 153.
- ↑ Delahaye, Verlaine, p. 19 ; cf. Sainte-Beuve, Correspondance, II, 48-49 ; Montel, ibid., p. 423-425.
- ↑ Parnasse, p. 15 ; cf. Cassagne, Versification… de Baudelaire, p. 117.
- ↑ Œuvres, V, 116 ; cf. Mithouard, Le Tourment de l’Unité, p. 207-208.
- ↑ Lepelletier, Verlaine, p. 140.