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Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/473

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LE DISPERSION

et triomphe : on ne veut plus défiler derrière les chefs. Tous sont égaux. Ils n’admettent qu’un seul classement, l’ordre alphabétique. C’est donc celui-là que nous allons suivre, tout en tenant compte du mérite absolu et de la qualité parnassienne de ces poètes.

Mme Ackermann est magnifiquement dessinée par Théodore de Banville qui lui trouve la tête de V. Hugo jeune[1]. Anatole France est moins enthousiaste ; tout en lui reconnaissant « la robuste nudité et le geste sublime de la pensée », il l’éconduirait volontiers du Parnasse : « cette bonne Madame Ackermann… écrit… en vers aux formes usées[2] ». Théophile Gautier reconnaît qu’elle ne relève pas de l’école de Leconte de Lisle[3]. Pourtant elle a quelques-unes de ses idées ; elle doit approuver les Montreurs, elle qui nous fait cette confidence : « mon mari n’eût pas souffert que sa femme se décolletât, à plus forte raison lui eût-il défendu de publier des vers. Ecrire, pour une femme, c’est se décolleter ; seulement il est peut-être moins indécent de montrer ses épaules que son cœur[4] ». De concert avec le Parnasse, elle a encore l’amour de l’hellénisme : pour se divertir, et passer un bon jour de l’an, elle lit quelques pages des poètes grecs[5]. Mais là s’arrête la ressemblance. Sa courte pièce, Une Femme, est féministe, mais bien platement rimée[6]. Elle n’aime pas le minutieux travail du vers ; pourquoi fait-on figurer au Parnasse un auteur qui écrit : « le poète est bien plus un évocateur de sentiments et d’images qu’un arrangeur de rimes et de mots[7] ».

Jean Aicard : Les Glaneuses de la Camargue. Quand la fièvre les terrasse au milieu de leur labeur, on les enterre sur place, dans le champ ! Ce n’est pas encore Miette et Noré.

Armand d’Artois, connu surtout comme collaborateur de Coppée.

Autran ; fait bonne figure avec une pièce délicieuse de jolie tendresse. L’auteur de La Fille d’Eschyle est bien à sa place ici[8]. Pourtant, Leconte de Lisle le baptise : un barde marseillais[9].

Bergerat. Ses Paroles dorées déplaisent à France ; il les accepte

  1. La Lanterne magique, p. 396-397.
  2. La Vie littéraire, IV, 6-7 ; cf. Jules Tellier, Nos Poètes, p. 123.
  3. Rapport, p. 383 ; cf. {{sc|Mendès, Dictionnaire, p. 4-5.
  4. Pensées d’une Solitaire, p. 53 ; cf. Marc Citoleux, Revue de Littérature comparée, janvier 1929, p. 141 sqq. ; cf. aussi l’introduction de ce livre, p. xl, note 2.
  5. D’Haussonville, R. D. D.-M., 15 novembre 1891, p. 331.
  6. Reproduite aux Œuvres (Lemerre, 1885), p. 9-10, avec cinq variantes insignifiantes.
  7. Pensées d’une Solitaire, p. 44.
  8. Théophile Gautier, Rapport, p. 341 ; Mendès, Dictionnaire, p. 12.
  9. Welschinger, Débats du 16 août 1910.