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Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/482

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HISTOIRE DU PARNASSE

tout des lectures du Maître. Dans la Revue des Deux-Mondes du Ier juin 1869, il publie une Joie de Vivre, de facture nette, ferme ; on sent que Leconte de Lisle a passé par là avec son Midi, roi des étés :


Plénitude, salut ! Forêts, fleuve argenté,
Blés verts, salut ! Midi, roi des heures sereines,
Et toi, midi de l’an, pourpre et royal été,
Salut ! vous répandez de fécondes haleines
Et je sens par moments s’infuser dans mon sein
La gaîté de la source et la vigueur des chênes.


Puis viennent Veillée d’Automne, Neiges d’Antan. La pensée n’est pas plus forte ; le métal n’a pas changé ; à cela le Parnasse ne peut rien. Mais la frappe est plus sûre : on s’aperçoit que Theuriet a vu travailler les grands forgerons au marteau infaillible. Quel progrès dans ses poésies sur la vie réelle, surtout dans cet Œillet Rouge qui semble à M. Paul Bourget, et justement, un chefd’œuvre[1].

Son envoi au Parnasse de 1869 n’est pas très heureux. Une Nuit de Printemps est un fait divers mis en rimes, et reste insignifiant. Un Sphinx est mieux ; mais c’est l’éternelle adoration de l’énigme féminine. Cela ne dépasse pas la valeur de ces tableaux honorables, mais moyens, que personne ne regarde aux Salons, sauf l’auteur. Mais, au Parnasse de 1876, on voit qu’il est en pleine ascension. Il figure sur la liste des vingt-trois hors-concours. Il en est digne, car sa pièce, Les Étoiles, est de première grandeur. Sans doute le début réalise assez bien les craintes de banalité lamartinienne que le titre nous inspirait ; mais on a l’heureuse surprise de découvrir que toute la pièce a été construite en vue du contraste final qui est vraiment puissant :


Une à une[2], parmi les nuages flottants,
Etoiles, vous fuyez aux rougeurs de l’aurore ;
Ainsi, dans le brumeux oubli qui les dévore
Se perdent nos amours, nos gaîtés, nos printemps…

Du moins vous renaîtrez, étoiles fortunées ;
Vos guirlandes, le soir, au ciel refleuriront ;
Mais nous, quand la jeunesse a fui, sur notre front
Nous ne retrouvons plus nos couronnes fanées.


  1. R. D. D. M., 15 octobre 1873 ; Paul Bourget, à l’Académie, 9 décembre 1897.
  2. À remarquer cet hiatus, inusité au Parnasse.