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Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/124

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LE SYSTÈME NERVEUX CENTRAL

et religieuses de la nature : c’est ce qu’a fait l’auteur du traité sur la Maladie sacrée.

Le cerveau, dit-il, chez l’homme comme chez les autres animaux, est double ; le milieu en est cloisonné par une membrane mince. Des veines y arrivent de tout le corps, nombreuses et menues, mais deux grosses surtout, l’une du foie, l’autre de la rate : ce sont des soupiraux du corps qui aspirent l’air ; elles le distribuent partout à l’aide de petites veines. C’est l’air, en effet, qui donne l’intelligence au cerveau. On reconnaît les doctrines d’Anaximène et de Diogène d’Apollonie. « Quand l’homme attire en lui le souffle, ce souffle arrive d’abord au cerveau, et c’est de cette façon qu’il se disperse dans le reste du corps, laissant dans le cerveau sa partie la plus active, celle qui est intelligente et connaissante. » Si, en effet, continue l’auteur, l’air se rendait d’abord dans le corps, pour parvenir de là au cerveau, il laisserait l’intelligence dans les chairs et dans les veines, il arriverait échauffé au cerveau, et il y arriverait non pur, mais mêlé avec l’humeur provenant des chairs et du sang, de sorte qu’il n’aurait plus ses qualités parfaites[1]. Pour ces raisons, il regarde le cerveau, lorsqu’il est sain, comme l’organe qui dans l’homme a le plus de puissance (δύναμιν πλείστην). C’est par le cerveau que nous pensons (καὶ τουτῳ φρονεῦμεν) (§ 14), que nous comprenons (νοεῦμεν), que nous voyons et entendons, que nous connaissons le beau et le laid, le mal et le bien, l’agréable et le désagréable, le plaisir et le déplaisir. Mais si le cerveau n’est pas sain, s’il est trop chaud ou trop froid, trop humide ou trop sec, c’est par lui également que nous délirons (τῷ δὲ αὐτῷ τούτω καὶ μαινόμεθα καὶ παραφρονένομεν), que des craintes et des terreurs nous assiègent, que des songes et des soucis sans motifs nous tourmentent. Selon que l’altération du cerveau dépend de la pituite ou de la bile, les aliénés sont calmes, déprimés et anxieux, ou bruyants et malfaisants (§ 15). Comme le cerveau est l’interprète de l’intelligence (τὸν ἑρμηνεύοντα), et que l’intelligence provient de l’air, dont le premier il reçoit l’impression, s’il arrive quelque changement notable dans l’air, par l’effet des saisons, le cerveau est exposé aux maladies les plus aiguës, les plus graves, les plus dangereuses, et de la crise la plus difficile pour les médecins inexpérimentés. Quant au diaphragme (αἱ φρένες), c’est bien au hasard qu’il doit son nom, car il n’a rien à faire avec la pensée et l’intelligence (φρονέειν), non plus d’ailleurs que le cœur, quoique quelques-uns disent que nous pensons par le cœur (λέγουσι δέ τινες ὡς φρονέομεν τῇ καρδίῇ) et que cet organe est ce qui cause le chagrin et les soucis. Il n’en est rien (§ 17). Sans doute, par

  1. Œuvres, VI, 352.