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Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/43

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THALÈS DE MILET

PALÉONTOLOGIE

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ment à l’hypothèse. Les coquillages marins trouvés dans le sein de la terre et sur les montagnes, les empreintes de poissons fossiles découvertes dans les carrières de Syracuse ou dans les marbres de Paros, conduisirent XÉNoPHANE à soutenir que ces pétrifications, que ces empreintes organiques dans le limon durci, attestaient que les eaux avaient autrefois séjourné sur ces parties du sol et au sommet de ces montagnes. Mais c’est Héraclite le Physicien, comme on l’appelle quelquefois dans l’antiquité, qui a exprimé et fixé pour tous les siècles dans une image d’une profonde ironie la négation de toute téléologie de la nature. La lutte aveugle, la guerre éternelle des contraires, constitue, on le sait, pour ce philosophe, toute l’histoire du monde ; c’est la pierre d’angle d’un édifice qui n’a point trop souffert des outrages du temps. « Il n’y a, dit HEGEL, aucune proposition d’HÉRACLITE, que je n’admette dans ma Logique » (1). La doctrine de l’identité des contraires tendant à la réalisation de leur unité essentielle, aussi bien dans le jeu des forces naturelles que dans le domaine de la vie morale, où, par exemple, le bien et le mal sont au fond la même chose (rè aya@ôv ai à xoœnèv Ëv tabrév), cette doctrine implique, ainsi que toute conception mécanique de l’univers, le néant des idées de finalité, de but ou de raison des mondes qui naissent et meurent périodiquement et ne viennent à l’existence que pour rentrer, vaines apparences, dans le creuset de la matière éternelle. La matière des anciens hylozoïstes ioniens n’est’ pas, à la vérité, celle des atomistes : l’être primordial, qu’il soit le feu, comme dans HÉRACLITE, l’eau ou l’air, comme pour THALÈS où ANAXIMÈNE, sent et pense, car on n’a pas encore, à ces hautes époques, réalisé dans des mots les abstractions de corporel et d’incorporel, de matière, d’esprit et d’âme. Et les dieux meurent comme les hommes, les chevaux et les chènes. Mais le moyen d’attribuer quelque raison, au sens où l’homme entend ce mot, lorsqu’il se propose ou s’efforce d’agir en vue d’une fin qui lui paraît utile ou bonne, à cette activité incompréhensible de l’être qui, sans repos, avec nécessité, de périodes cosmiques en périodes cosmiques, ne construit des mondes que pour les anéantir ? Ne dirait-on pas d’un enfant qui, sur le bord de la mer, s’amuse à faire avec le sable des ouvrages d’enfant pour les renverser bientôt, des pieds et des mains, en jouant ? C’était là, chez les Grecs d’Ionie, une vieille image, car elle est dans l’Iliade (XV, 362 sq.). Or HÉRAGLITE compare l’Être, c’est-à-dire le Feu, à un enfant qui, fatalement, sans plus de raison, passe l’éternité à faire et à défaire des tas de (1) Hecez, Geschichte der Phil., Berlin, 1833, 1, 328. Cf. J. Bennaxs, Heraklitische Studien. Rheïinisches Museum f. Philol., 1850, VII, go sq.