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FROISSART

honneur chez Gaston Phœbus, comme chez tous les autres princes de son temps, et le gentil comte n’était pas le dernier à les applaudir. Voici une scène qui rappelle l’Iliade. Froissart la rapporte ailleurs ; mais je crois qu’elle est ici mieux à sa place, et je n’hésite pas à la reproduire comme contraste :

Un jour de Noël, où il y avait grande foule au château de Moncade, grande réception, comme on dirait aujourd’hui, le comte, après son dîner, passa dans ses galeries avec ses chevaliers. Or, le soleil n’avait point paru ce jour-là ; et il gelait très fort en ce moment. Mais comme Monseigneur Gaston n’était pas frileux, on n’avait pas mis de bois dans les cheminées. Le comte témoigna cependant qu’il ne serait pas fâché de voir la couleur du feu.

Il n’eut pas plus tôt manifesté ce désir, qu’un des chevaliers, haut de taille, gros de membres, et point chargé de graisse, le Bourg d’Espagne, s’élance, en franchissant d’un bond un escalier de plusieurs marches, dans la cour du château, où les bûcherons entraient avec leurs ânes chargés de bois. Sans attendre que les bûches soient à terre, il enlève une des bêtes, l’arrange sur ses épaules, remonte en courant l’escalier et jette son fardeau dans la cheminée, aux applaudissements de toute l’assistance, auxquels le comte joignit ses félicitations.

Un prince féodal était tenu d’honorer la force physique et d’encourager de pareils exercices,