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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/109

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sophie kovalewsky.

Si Harald n’a pas reçu de pardon, que Dieu ne me reçoive pas dans son paradis. »

Et Édith, se levant avec effort de son lit de souffrance, se prosterne devant le crucifix.

« Grand Dieu ! dit-elle d’une voix brisée, je meurs depuis vingt ans d’une mort lente, affreuse ; tu sais si j’ai souffert… — Si j’ai quelque mérite devant toi, pardonne à Harald, fais un miracle : pendant que nous réciterons un Pater, que le cierge placé devant le crucifix s’allume ; ce sera le signe du pardon. »

Le prêtre commence la prière, les religieuses la répètent après lui, émues de pitié pour la malheureuse Édith, prêtes à donner leur vie pour le salut de l’âme de Harald.

Édith mourante est prosternée à terre.

Le cierge ne s’allume pas. Le prêtre dit Amen d’une voix triste.

Le miracle ne s’est pas accompli, Harald n’a pas obtenu de pardon.

Un cri de blasphème s’échappe de la bouche d’Édith, et son regard s’éteint pour jamais…

Tel est le roman qui amena une crise dans la vie intérieure de ma sœur. Pour la première fois, cette question se présenta nettement à son imagination : « Y a-t-il une autre vie ? Tout finit-il avec la mort ? Deux êtres qui se sont aimés se retrouvent-ils dans un autre monde ? et se reconnaissent-ils ? »

Ma sœur fut frappée de ces questions. Elle mettait de la violence en tout : il lui sembla être la première qui se fût jamais heurtée à ces problèmes, et sincè-