peigne avec amour. Je suis assise sur mon lit, déshabillée, entourant mes genoux de mes deux bras, et je cherche le moyen d’entamer le sujet intéressant.
« Quelles drôles de choses Théodore Mikhaïlovitch nous a dites aujourd’hui ! murmurai-je enfin d’un air que je tâche de rendre indifférent.
— Lesquelles ? demande ma sœur distraite, et ayant évidemment oublié cette conversation si importante pour moi.
— Mais, par exemple, quand il prétend que j’ai des yeux de bohémienne et que je deviendrai jolie. »
Et je me sens rougir jusqu’aux oreilles.
Aniouta laisse tomber la main qui tient le peigne, et tourne vers moi son visage avec une gracieuse inflexion du cou.
« Ah, tu crois que Théodore Mikhaïlovitch te trouve jolie, plus jolie que moi ? » demande-t-elle d’un air fin, avec un regard énigmatique.
Ce sourire rusé, ces yeux verts qui rient, ces cheveux blonds déroulés, font d’elle une véritable « roussalka ». Le grand miroir placé près d’elle et faisant face à mon lit, reflète ma propre personne, petite, moricaude. Je puis faire la comparaison. Celle-ci n’est pas fort agréable ; mais le ton froid et suffisant de ma sœur me vexe, je ne veux pas me rendre.
« Les goûts peuvent être différents, dis-je toute fâchée.
— Oui, il y a de drôles de goûts », répond Aniouta tranquillement.
Et elle se reprend à démêler ses cheveux.