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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/289

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sophie kovalewsky.

quelquefois une année, avant de me mettre à l’écrire. »

Le 21 février, je disais :

« Le plus amusant dans ce travail, c’est, comme vous avez pu le remarquer, que je l’admire tant. Cela résulte de la collaboration. L’idée étant de Sophie, je suis plus disposée à la croire géniale que si elle venait de moi ; de son côté elle admire ma part de travail : la vie, la mise en œuvre artistique. Rien de plus agréable que de faire admirer son travail sans y mettre le moindre amour-propre ; jamais comme maintenant je n’ai travaillé avec cette sécurité et cette absence de doute intérieur. Si notre drame devait tomber, je crois vraiment que ce serait pour nous le coup de la mort.

« …Vous voulez savoir en quoi consiste la part de travail de Mme Kovalewsky ? Il est vrai qu’elle n’a pas écrit une réplique, mais c’est elle qui a conçu le plan primitif, et tracé le canevas de chaque acte ; en outre, elle me donne bien des aperçus psychologiques sur la composition des caractères. Chaque jour nous lisons ensemble ce que j’ai écrit, elle fait ses observations et donne des idées nouvelles ; elle veut sans cesse entendre les mêmes choses, comme fait un enfant d’un conte favori, et croit en général qu’il n’existe pas de lecture plus intéressante. »

Le 9 mars, nous fîmes une première lecture à haute voix à quelques intimes. Jusque-là notre joie et nos illusions avaient toujours été croissant. Je ne me rappelle pas avoir jamais vu Sophie si heureuse, si