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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/53

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sophie kovalewsky.

Et je n’avais pas fini qu’elle me tenait déjà entre ses bras, et me couvrait de baisers. Elle m’embrassa si longtemps, et avec tant de vivacité, que le trouble me reprit, accompagné de la crainte de l’offenser si je m’arrachais à son étreinte.

Un violent accès de toux lui fit enfin lâcher prise.

Cette toux affreuse devenait de plus en plus violente : « J’ai aboyé toute la nuit comme un chien », disait-elle quelquefois avec une sombre ironie. Chaque jour elle devenait plus pâle, plus renfermée en elle-même ; elle refusait obstinément l’offre de ma mère de faire venir un médecin, s’irritait même de la moindre allusion à sa maladie.

Elle vécut ainsi encore deux ou trois ans, debout presque jusqu’à la fin ; elle ne prit le lit que peu de jours avant de mourir. Son agonie, dit-on, fut terrible.

Mon père lui fit faire des obsèques solennelles, autant du moins qu’elles pouvaient l’être à la campagne. Toute la famille, le Barine y compris, assista aux funérailles. Fékloucha marchait derrière le cercueil, pleurant à chaudes larmes.

Philippe Matvéitch n’était pas là. Quelques semaines avant la mort de Marie Vassiliévna, il nous avait quittés pour une situation meilleure aux environs de Dunabourg.