— Comment l’oncle pouvait-il supporter de pareils traitements ? Comment ne plantait-il pas là sa femme ? nous écriions-nous indignées.
— Hé ! mes chéries, croyez-vous qu’on puisse planter là une femme légitime comme une paire de gants ! répondait la tante Anna. D’ailleurs, il faut bien l’avouer, elle avait beau le bourrer, Pierre n’en était pas moins follement amoureux.
— Est-ce possible ? une méchante pareille !
— Il l’aimait tant, mes petites, qu’il ne pouvait vivre sans elle ; quand on l’a exécutée, peu s’en est fallu que, dans son désespoir, il ne portât la main sur lui-même.
— Que voulez-vous dire, petite tante, comment l’a-t-on exécutée ? » demandons-nous avec curiosité.
Mais la tante, s’apercevant qu’elle en a trop dit, interrompt brusquement son récit, et tricote avec énergie, pour prouver qu’il n’aura pas de suite. Notre curiosité est trop enflammée pour se calmer facilement.
« Petite tante, ma colombe, racontez ! » demandons-nous avec instance.
Et la tante, une fois partie, ne sait probablement plus arrêter ce flot de bavardage.
« Mais, voilà,… ses servantes, ses propres esclaves, l’ont étranglée ! répond-elle tout à coup.
— Seigneur ! Quelle horreur ! comment cela s’est-il passé ? Petite tante chérie, racontez ! »
Et nous la supplions.
« Mais très simplement, raconte Anna Vassiliévna.