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Page:Souvenirs et Reflexions.pdf/14

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Plus tard… j’avais 8 ans (c’était un peu avant la mort de mon grand-père Mangin que j’aimais beaucoup) je vis en rêve trois spectres voilés de noir, alignés côte à côte devant le lit de mes parents… Quelques jours après, mon grand-père mourait subitement. Un an plus tard, ce fut la sœur de mon père, et plus tard encore, ma grand-mère Bonis. Alors ma grand-mère Mangin, qui nous faisait constamment ses adieux, déclara que c’était son tour. Je me souviens très bien lui avoir répondu : « Non, maintenant c’est fini ». Nous n’eûmes un autre deuil que celui de mon père, plus de 30 ans après.

Quelque temps avant que ma fille ne me fasse part de ses espérances maternelles, j’avais rêvé que je la tenais, toute petite, dans mes bras d’où je la laissai tomber à terre. Alors, un grand chien se précipita sur elle. Ce cauchemar m’avait secouée profondément, et lorsque, à l’occasion de la naissance de son fils, elle nous donna tant d’inquiétudes, quatre mois durant, je ne cessais de me représenter cet animal furieux qui me semblait symbolique, représentant les souffrances dont ma pauvre petite fut torturée pendant tant de jours… hélas ! si cruels…

Pendant bien des années avant la mort de mon mari, je faisais toujours le même rêve : je déménageais, et je changeais complètement d’existence, réinstallée dans le petit appartement qu’occupaient mes parents avant mon mariage. Je ne vois qu’un rapport lointain avec la réalité… mais pourquoi toujours ce même rêve ?

J’ai vu ma sœur en rêve sous la forme d’une statue (non tout-à-fait inanimée, mais immobile, posée sur un socle, accrochée au mur). Elle était beaucoup plus grande que nature, la figure très altérée, le regard anxieux fixé sur une horloge. Je sentais qu’elle souffrait beaucoup et que le temps lui paraissait terriblement long. Elle prononça ces mots : « Mme Albert Domange ». Je lui dis : je vais chercher le médecin.

Ce rêve m’a beaucoup impressionnée ; on ne m’ôtera pas de l’idée qu’il a un sens. Là où est ma sœur, elle n’est pas libre ; inerte, elle subit son sort. Naturellement je pense au purgatoire… Je prie et je fais prier pour elle comme pour les autres membres de ma famille.

Pourquoi « Mme Albert Domange » plutôt que « Mélanie » ? ? ?

Pendant 10 ans après la mort de maman (1918) je l’ai vue en rêve deux ou trois fois la semaine ! et toujours elle me manifestait la plus profonde aversion, ce dont je souffrais amèrement. Enfin un jour récent, elle m’a dit un mot de tendresse, ce qu’elle ne fit jamais de son vivant. Je ripostai… Depuis ce temps je la vois encore souvent, mais elle est toute changée à mon égard… plutôt affectueuse.

Et maintenant, je rêve constamment que je vais voyager avec maman, mais je manque le train.