Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/111

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rait comme une Madeleine, sauf qu’il avait une vilaine barbe rouge.

— Qu’avez-vous donc, vieux père ? lui dit-il avec compassion. Pourquoi pleurez-vous ?

— J’ai bien sujet de pleurer, répondit l’autre en grinçant. Voyez-vous, là-bas, les hautes murailles d’un manoir maudit ? Eh bien ! ma fille unique est là, prisonnière d’un méchant ogre, qui doit la manger ou l’épouser demain ; ce qui est à peu près la même chose.

— Ah ! fit Trémeur, je ne dis pas non ; mais je n’aime pas à me mêler à des aventures où il y a des femmes ; ça ne vaut jamais rien.

— Oh ! oh ! s’écria le tentateur, vous êtes un drôle de corps, mais ma fille n’en sera pas moins mangée, puisque vous qui avez l’air si vaillant, vous n’avez pas le cœur de…

— Halte-là, mon vieux ! On n’a jamais dit que Trémeur fût un lâche ; pour la tête, passe encore, mais le cœur est fort ; ainsi donc, vu que le temps est couvert, je m’en vais la chercher, votre fille. En attendant, vous, priez pour moi.

L’homme rouge fit entendre une sorte de rugissement à ces mots ; mais Trémeur était déjà en route, et comme il ne pouvait détourner la tête, il ne vit pas le vieux coquin faire une gambade sur ses pieds fourchus et une grimace de possédé.