Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/131

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à moitié chemin arrêté par les vergues du grand mât. Aïe ! Hok-Bras se sentit aux trois quarts étranglé.

Impossible de crier assez ! assez ! pour revenir à sa taille naturelle ; et d’ailleurs, s’il se fût rapetissé, le vaisseau lui aurait rompu la poitrine.

Le voilà donc, courant, courant comme un possédé, arpentant plaines, monts et vallées, avec quatre-vingts canons dans la gorge…

Enfin il se calma un peu et se dit tout naturellement :

— Ma tante me tirera de ce mauvais pas.

Et il se mit à courir dans la direction de la montagne d’Arhez, qu’il avait vu naître et qui allait devenir son tombeau… Oui, en ce temps-là, comme toujours, l’ambition perdit les hommes ; à force de se grandir, ils tombent de plus haut et ne peuvent plus se relever, chargés qu’ils sont du poids trop lourd de leur convoitise insatiable.

Hok-Bras s’assit donc un moment pour se reposer sur le Mont Saint-Michel, car son vaisseau à trois ponts le gênait pour faire une longue route. Puis, quand il fut reposé, au lieu de faire le tour du marais, il voulut le traverser afin d’aller plus vite.

Par malheur, il comptait sans le poids de ses quatre-vingts canons. En effet, il n’avait pas fait quatre enjambées au milieu des mollières du grand marécage qu’il se sentit enfoncer, enfoncer, au point de ne pouvoir plus en retirer les jambes. Puis, dans ses