Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/16

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pas « y mettre de son crû », et d’en faire ressortir le mystérieux moral et autochtone. Le style s’affirme et se colore, la manière devient plus large et plus personnelle, en même temps que la reproduction gagne en fidélité. La Pierre tremblante de Trégunc, le Bassin d’or, les Aventures du seigneur Tête-de-Corbeau et celles de M. Tam-Kik ont une saveur particulière ; mais des travestissements et des hors-d’œuvre viennent encore déformer les récits traditionnels.

Les Fantômes bretons datent de 1879, et les Nouveaux Fantômes bretons, de 1881. Les premiers renferment des traditions curieuses : l’Homme emborné, Une Chaise en enfer, les Poires d’or, Trémeur ou l’Homme sans tête ; malheureusement, ce « testament d’un vieux conteur » est entremêlé de sonnets et d’historiettes dont on se détourne avec ennui. À l’encontre du romancier qui ne se résigne pas à l’abdication, le poète, Dieu merci ! ne récidive point dans les Nouveaux Fantômes. La part des contes et des légendes y est plus vaste : le Filleul de la mort, l’Heureux Voleur, le Géant Hok-Bras, Aventures de Iann Houarn, la Volonté de Dieu, sont fort remarquables. L’auteur, dans une préface intéressante, insiste sur le caractère autochtone du merveilleux breton ; mais, revenant sur ce qu’il faisait fréquemment jadis, il renonce à nommer ses conteurs, et il avoue — son ami la Villemarqué a soin de l’absoudre — un déplorable penchant à ne conserver leur style que dans le cas où le bon goût n’en est pas froissé. De brèves observations relatives aux intersignes, à la métempsycose, aux fiançailles, aux géants, aux fontaines, et que Souvestre avait déjà, pour le plus grand nombre, éparpillées dans ses propres ouvrages, jettent un jour particulier sur les récits. L’une d’elles mérite d’être signalée. Non loin de Quimperlé, dans la commune de Clohars-Carnoët, s’étend la lande Minars, où errent, sous la forme de haridelles, les spectres des notaires et des procureurs « qui ont fait des fautes dans leurs additions ». Il paraît qu’on rencontre beaucoup de ces ombres fécondes.

Pour apprécier complètement du Laurens, il ne suffit pas de parcourir ses mélanges : il faudrait avoir entendu l’homme. Chaque fois que le programme