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ÉMILE SOUVESTRE

Dans les temps anciens, alors que les miracles étaient aussi communs dans la Basse-Bretagne que le sont aujourd’hui les baptêmes et les enterrements, il y avait à Lanillis un jeune homme qui s’appelait Houarn Pogamm et une jeune fille nommée Bellah Postik. Tous deux étaient cousins à la mode du pays, et leurs mères, quand ils étaient tout petits, les avaient élevés dans le même berceau, comme on le fait des enfants que l’on destine à être un jour maris et femmes, avec la permission de Dieu. Aussi avaient-ils grandi en s’aimant de tout leur cœur. Mais leurs parents étaient morts l’un après l’autre, et les deux orphelins, qui n’avaient pas d’héritage, furent obligés de se mettre en service chez le même maître.

Ils auraient pu se trouver heureux ; mais les amoureux ressemblent à la mer qui se plaint toujours.

— Si nous avions seulement de quoi acheter une petite vache et un pourceau maigre, disait Houarn, je louerais à notre maître un morceau de terre, le curé nous marierait, et nous irions demeurer ensemble.

— Oui, répondait Bellah, avec un gros soupir ; mais nous vivons dans des temps si durs ! Les vaches et les porcs ont encore renchéri à la dernière foire de Ploudalmézeau ; pour sûr, Dieu ne s’occupe plus comment le monde va.