Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/84

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pas l’appartenance ; il se rendit aussitôt sur les lieux, et après avoir rassemblé son troupeau (car c’était effectivement le sien, c’est-à-dire celui qu’il tenait du défunt recteur), il l’embarqua dans une grande chaloupe et le ramena sain et sauf à l’Armor-Baden. Là, il enferma les animaux dans l’écurie, en se promettant bien de ne pas les perdre de vue, de toute l’année pour le moins.

Peine inutile, car le lendemain matin l’étable était vide… Le troupeau avait disparu, et bientôt un pêcheur, qui revenait de la côte, dit à Hervis qu’il avait vu la veille, sur le tard, passer le long de la grève une file de vaches et de grands bœufs conduits par un berger tout habillé de noir.

Le borgne but une chopine de vin de feu pour s’étourdir, puis supposant que ses bêtes étaient encore à Gawr’inis, quoique le temps fût mauvais et la mer grosse, il voulut partir à l’instant. Or, comme il approchait du rivage, des marins lui dirent que les vagues rejetaient à la côte les corps de plusieurs animaux. Hervis descendit au bord de la mer et reconnut avec rage et terreur ses vaches, ses chèvres et ses bœufs tous noyés. Il aurait dû se souvenir alors du testament du recteur de Baden et de ce qu’il lui avait promis ; malheureusement il n’en fut rien. Il se dit, au contraire, qu’avec l’argent des messes et le montant des aumônes il